dimanche 18 janvier 2015

Union Sacrée




    Une Marseillaise dans l'hémicycle ? Pas vu depuis 1918, paraît-il. Voilà qui n'aurait pas déplu au Père la victoire, croqué ci-dessus par le grand Aristide Delannoy.
    A l'heure où le premier sinistre ce déclare l'héritier de Clemenceau, et où des caricaturistes se font dégommer par des sectateurs de réducteurs de tête, il n'est peut-être pas inutile de mettre sous nos yeux fatigués ce magnifique crobard.  "Liberté d'expression, droit inaliénable à la caricature, bla-bla, bla-bla", on n'entend plus que ça pour l'heure, mais on se demande bien comment serait reçu un dessin comme celui-ci, avec disons, Manuel Valls en guise d'empiqueté... Sans doute de la même manière dont le fut celui de Delannoy.
    Ce chef-d’œuvre orna la couverture du premier numéro des Hommes du jour de Victor Méric en 1908. Une façon de répondre à la manière dont le premier flic de France traitait les grévistes : à coups de canonnade*. C'est peu dire qu'il mit Clémenceau en fureur. Mais voyez-vous, le Tigre, en bon démocrate, avait promis de ne point mettre de journalistes en prison. Il attendit donc patiemment son heure et profita de cette autre couverture des Hommes du jour pour frapper...



   ...Une couverture en hommage au magnifique travail de pacificateur accompli par le Général d'Amade au Maroc. Mais le sang et le tablier de boucher ne passèrent pas. Et l'armée, hier comme aujourd'hui est chose sacrée : un bon prétexte pour envoyer Delannoy et Méric en taule.
Ils furent tout deux condamnés à 1 an de gnouf. Delannoy, tuberculeux, ne fit que neuf mois. Ah ! L'humanisme républicain ! Il mourut un peu plus tard...

    Revenons-en à notre Marseillaise. Et à Jules Jouy, la chanson faite homme, dont on pourra lire une biogaphie ici-même.
Une relecture à l'humour très hydropatique et quelque peu minimaliste de l'hymne national. A notre connaissance, et pour cause, cette version ne fut jamais enregistrée** :


LES MUETS (gueulant) :
Allons, enfants de la patrie !
Le jour de gloire est arrivé !

LES AVEUGLES :
Contre nous de la tyrannie,
L'étendard sanglant est levé !

LES SOURDS :
Entendez-vous dans ces campagnes
Rugir ces féroces soldats ?

LES MANCHOTS :
Ils viennent jusque dans nos bras
Égorger nos fils, nos compagnes !…

LES MUETS (gueulant) :
Aux armes, citoyens ! Formez vos bataillons !

LES CULS-DE-JATTE :
Marchons ! Marchons !
Qu'un sang impur abreuve nos sillons !

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* Méric racontait en hommage à Delannoy : "Nous étions assez inquiets. Il nous fallait, pour le premier numéro destiné au Grand Flic Clemenceau, un dessin vigoureux, acerbe, mordant. J’avais fait le possible pour le texte. Quand Delannoy, quelques jours après, revint avec son carton et exhiba la fameuse tête de mort, nous trépignâmes de joie. Avec un dessin semblable, c’était le succès assuré. Ce fut le triomphe. La Gueule de Clemenceau tirée à 25 000 s’enleva comme du petit pain."

** A un certain moment, Jouy se vautra -comme beaucoup à l'époque, ce qui n'excuse rien- dans un antisémitisme pathologique. Il pondit entre autre une horrible Marseillaise des juifs dont on peut retrouver la trace sur la toile...



1 commentaire:

  1. Et une superbe Marseillaise entonnée lors d'une de ces marches républicaines dont le pays a le secret : https://www.youtube.com/watch?v=wTx93UENUmg
    C'était le 30 mai 1968.

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