dimanche 31 décembre 2017

Dimey conclue l'année

Qui de plus indiqué que Bernard Dimey pour clore une année déplorable ?
Pour ne rien vous cacher, on se sent assez en accord avec l'humeur manifestée dans ce Quand on n'a rien à dire.
C'est posé par-dessus l'air de Flambée montalbanaise de Marcel Azzola.



(...) Quand on n'a rien à dire, on parle du Mexique. De l'Amérique du Nord où tous les gens sont fous. Du Pape et du tiercé, des anti-alcooliques. Du cancer des fumeurs ou des machines à sous.
Des soldats, des curés, d' la musique militaire. De la soupe à l'oignon, de l'île de la Cité. Quand on n'a rien à dire et du mal à se taire, on arrive au sommet de l'imbécilité.

jeudi 28 décembre 2017

Marcel Martel : c'est Noël, nom de diou !

Marcel Martel
Pour finir l'année, le camarade Eliott nous a exhumé cette curiosité de 1958.
Marcel Martel (Né et mort à Drummondville, Québec, 1925-1999) fut un auteur-compositeur et interprète de chanson country western québécois qui sévit des années 1940 à 1980.
Issu d'un milieu modeste, il grimpa sur scène à 12 ans en jouant du violon, de l'accordéon et de la guitare avec son père. Dès l’adolescence, il composa ses propres chansons et forma le trio les Lone Rangers. Musicien, animateur radio, il est considéré comme l'un des pionniers de la musique country au Québec. C'est le père de la chanteuse Renée Martel, qui a repris quelques-unes de ses compositions. Sa vie aura également été marquée par une tuberculose qui finira par avoir sa peau.
Un rock du Père Noël



Sa chanson la plus connue, Un coin du ciel, dont les accords nous rappellent vaguement le corrido mexicain Cancion mixteca, écrite après un de ses interminables séjours en hôpital.


lundi 25 décembre 2017

Jazz et gangsters, le mariage idéal ?


Un livre surprenant. Quatrième de couverture :
Que seraient devenus Duke Ellington, Louis Armstrong, Earl Hines ou King Oliver sans les gangsters qui les employaient ? Ces mobsters et ces racketeers, souvent juifs ou siciliens, n’étaient pas aveuglés par les préjugés racistes qui empêchaient l’establishment blanc d’apprécier et de soutenir les musiciens noirs. Dans les clubs qui proliférèrent pendant la Prohibition, ils assurèrent la sécurité de l’emploi nécessaire à la constitution d’orchestres stables et à la maturation d’un style. Et ce sont les politiciens conservateurs qui, en faisant de la Mafia leur bouc émissaire, ont mis fin à l’âge d’or du jazz.
À l’appui de cette thèse étonnante, Le Jazz et les gangsters propose une enquête et une documentation exceptionnelles, une peinture réaliste de la vie des premiers musiciens de jazz et du milieu de la pègre à la Nouvelle-Orléans, à Chicago, New York et Kansas City. Ronald L. Morris lève ainsi le voile sur un pan méconnu de l’histoire de la culture populaire. Les gangsters, conclut-il, se sont comportés avec les jazzmen comme les grands mécènes de la Renaissance : « Il n’y eut peut-être jamais, dans toute l’histoire de l’art, d’association plus ­heureuse. »


Ella Fitzgerald (1949)
On a un peu de mal à se représenter les crapules que furent Lucky Luciano, Al Capone ou Meyer Lansky en "Laurent le Magnifique ", en mécènes éclairés de la Renaissance. Encore qu'au niveau de l'utilisation des poisons et autres moyens de se débarrasser de leurs contemporains, on doit trouver quelques points communs.
Ceci posé, l'auteur brosse un tableau déplorable des tripots d'avant le jazz, assommoirs dégueulasses, où la violence et le racisme régnaient en maîtres. Les Noirs avaient des juke joints où, vu les projectiles, les musiciens jouent souvent derrière un grillage. L'histoire du jazz débutant à la Nouvelle Orléans, les diverses mafias feront du quartier Storyville, the place to be, prenant les musiciens sous leur aile. Suite au grand ménage de 1917, mené par la police, tout ce beau monde montera vers Chicago. Petit à petit les gangs juifs et italiens vont tenir 90% des clubs de la côte Est. Et comme ça représente une belle source de revenus, ces boîtes vont devenir de splendides lieux de fête et de création musicale. Posséder un club fut surtout une façon de cacher d’autres activités (jeu, alcool de contrebande, stupéfiants), de rencontrer des gens influents (pour les piéger ou les corrompre), d'étaler sa richesse, son statut social et de séduire les femmes.
Fameux mécènes

Les collaborations entre mafieux et musiciens se sont plutôt bien passées à conditions de respecter certaines règles de base. Les gangsters attendaient de leurs employés qu’ils soient loyaux, travailleurs, élégants, discrets et qu’ils ne se mêlassent pas de leurs affaires. Bien entendu, il y aura pas mal d'accrochages, l'auteur en narre quelques-uns et pas mal de musiciens, y compris des légendes d'époque, n'hésitaient pas à se trimballer un flingue.
La crise de 1929 sonnera le glas de cette fête. Les clubs coulent, les jazzmen retrouvent la dèche et des guerres de gangs vont achever le tableau. Rajoutons que les politicards n'hésiteront pas à utiliser les arguments les plus racistes ou prêcher le retour l'ordre moral pour nettoyer cette racaille.
Bien entendu les mafieux les plus sérieux feront carrière avec ces mêmes politiciens.
C'est assez passionnant, même si on reste parfois sceptique devant ce "bon vieil âge d'or".
Où on y retrouve, entre autres, le "Duke" (ici dans le train A en 1939) :


Et aussi le "Fats"




vendredi 22 décembre 2017

En hommage à Bruxelles

Un clin d’œil à une ville qu'on aime bien et qui, a elle aussi, pas mal morflé ces derniers temps.
Cette comptine en forme de légende urbaine est prétexte une salutation aux camarades de Bruxelles et de ses environs. Gezondheid !
Et le Maneken Pis par Loic Lantoine...


mardi 19 décembre 2017

Parenthèse d'actualité : Welcome in Vienna

With a little help from my friend (1938)
Trois fois de notable rien ces jours-ci.
Juste Sebastian Kurz (ÖVP, Parti populaire, indécrottables réacs) et Heinz-Christian Strache, (FPÖ, Parti de la liberté, fascistes identitaires) formant un gouvernement en Autriche. Juste une bande de nazillons relookés, enfin, plus ou moins, raflant les ministères de l'intérieur, de l'armée et des affaires étrangères. Et des Sports, la force ne vient-elle pas dans la joie ? Et annonçant le rétablissement probable de la journée de 12 heures. Et la chasse aux réfugiés. Et d'autres joyeusetés encore.
Alors, plutôt que d'aller simplement dégueuler et comme on n'a pas de chanson autrichienne pour manifester notre mauvaise humeur, on se repassera avec bonheur la splendide trilogie d'Axel Corti Welcome in Vienna (1982-1986).
Précisons que le premier extrait se passe en 1938, le second en fin 1944.
On comprendra mieux pourquoi les Autrichiens les plus sympathiques ont toujours voué quelque exécration à leur chère patrie.



dimanche 17 décembre 2017

De la chute du roi à la propagande par le fait

Ortograff pas encore normalisé
On profite de l'envoi de ce joli document par l'ami Michel, du cerveau duquel naquit l'idée de notre émission radio, pour fouiner du côté de la chanson la plus célèbre de la Révolution (après la Marseillaise).

Si Il pleut bergère fut le refrain le plus chanté du début du grand chambardement, La Carmagnole devint, après août 1792, l'hymne des sans-culottes.
Ce refrain serait né le 10 août, jour de la chute des Tuileries et de ce fait, de la monarchie.
Même si une carmagnola est un rengaine piémontaise, Grétry fait remonter son origine à un air marseillais. Encore un apport des volontaires phocéens montés à la capitale qui participèrent activement à l'assaut des Tuileries ?
Pour sa part, Claude Duneton avance que si l'auteur est resté anonyme, c'est avant tout pour des raisons de sécurité. Il penche toutefois pour Mme Roland, qui nourrissait une haine toute particulière vis à vis de Marie-Antoinette et finit guillotinée en novembre 1793, en compagnie d'une charrette de Girondins.
Les envolées lyriques de Barrère claironnant les victoires républicaines à la tribune de la Convention furent également qualifiées de carmagnoles.
En voici une version de Milva enregistrée pour le disque Freedom songs (1965)


La fiche wiki de la chanson recense plusieurs intéressantes variantes. Ainsi, une carmagnole de Fouquier-Tinville thermidorienne (Fouquier-Tinville avait promis De guillotiner tout Paris. Mais il en a menti, Car il est raccourci.) une carmagnole du Parti ouvrier par Eugène Pottier, une autre de la Commune de Paris (Vive la commune de Paris, Ses mitrailleuses et ses fusils. La Commune battue Ne s’avoue pas vaincue. Elle aura sa revanche Vive le son, Vive le son...), une Carmagnole des corbeaux de Jules Jouy.
On aime particulièrement une version écrite par Sébastien Faure en 1893 en hommage à François Koënigstein alias Ravachol. On en avait causé là.



La Carmagnole redeviendra populaire lors des grandes grèves du Creusot en 1900,  celle des postiers en 1909 et même celle des employés de banque en 1957. Il y a eu une variante bolchévik pour fêter la révolution de 1917.


jeudi 14 décembre 2017

Stella et ses deux vies



Stella Zelcer est née en 1950 à Paris. Elle a enregistré son premier disque à 13 ans.
En tout, elle en a commis une quinzaine, entre maxis et LP entre 1963 et 1968. Un de ses album est même sorti aux USA. 
Ses 44 chansons ont été enregistrées et écrites son jeune oncle Maurice Chorenslup, sur le cas duquel on reviendra à l'occasion.
  Donnant un peu d'air frais décalé dans la niaiserie "yé-yé" de l'époque, elle parvient à placer quelques titres dans les hit parades.

 Mais, dixit elle-même, cette vie facile et superficielle de chanteuse à succès n'était pas conforme à celle de musicienne qu'elle imaginait. Elle met donc volontairement un terme à sa carrière solo en 1968 (comme par hasard). Elle a alors 17 ans. 

 

 Et entame une deuxième carrière : elle chante, joue du piano de la guitare et de
la flûte dans divers groupes.
En 1969, elle rencontre puis unit sa destinée à celle de Christian VANDER, leader provocateur et ambigu du groupe MAGMA en cours de formation. Stella ZELCER est devenue Stella VANDER et œuvre dans l'ombre du groupe en s'occupant notamment...  des éclairages avant d'en devenir choriste permanente en 1972. Dès lors, il y aura toujours des chœurs féminins dans MAGMA.
 Ayant toujours trouvé ce groupe un peu emphatique, on vous le passe dans un extrait du film de Jean Yanne "Moi y'en a vouloir des sous" avec un Caussimon jubilant d'y jouer à l'évêque depuis "Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil".



lundi 11 décembre 2017

Quand Nicoletta s'essayait à... du Screamin' Jay !

Après une enfance passée chez les Indiens Blackfeet, Jalacy Hawkins (1929 - 2000), universellement connu comme "Jay le braillard", tenta d'abord sa chance sur les rings de boxe, comme guitariste de jazz, puis en chanteur fantaisiste dans les cabarets à soldats. En 1956, outre adopter une tenue loufoque entre vampire et cannibale, il révolutionne le blues en y collant un rythme de valse à trois temps et vitupère son I put a spell on you.
Même censuré en radio, le titre lui assure une belle renommée à l'étranger. Il sera ensuite repris par Nina Simone, Creedence Clearwater Revival, The Animals, Them, Buddy Guy, Brian Ferry, Natacha Atlas, Joe Cocker, Nick Cave, Marilyn Manson, Iggy Pop, etc, etc...
Ce qui donne à penser que le lascar savait parfaitement faire swinguer les droits d'auteur.   


Mais une des reprises les plus inattendues est peut-être cette adaptation en français, chantée par Nicole Grisoni, alias Nicoletta, en 1967. En ces années, la dame s'essayait au blues et au gospel et ce grand séducteur de Guy Marchand  lui avait mitonné ce Ça devait arriver qui n'a pas dû gonfler démesurément le portefeuille de notre Hawkins farceur.
On ne peut que déplorer de n'avoir pas eu la même jouée par le furieux Hector, digne variante locale du gueulard originel.


Pour se remettre de l'orgue, notre Sreamin' Jay au grand écran : cette séquence est tirée de Rage in Harlem, médiocre adaptation de la Reine des pommes du divin Chester Himes.

vendredi 8 décembre 2017

Mac Orlan nous mène en bâteau



Le 15 décembre 1948 l'émission de Maurice Séveno, "Les quais des brumes" amenait les auditeurs sur les canaux de Paris à Rotterdam et Londres. En outre, il évoquait les chansons de bistrots et de mariniers. Vu le titre du programme, il se voyait obligé de prendre brièvement à son bord et au passage, un Pierre Mac Orlan, bien entendu, bavard à souhait.
C'était le temps ou un reporter "embarqué" ne se traduisait pas stupidement par "embedded". Et où ça beuglait dans les rades.
Ça a été rediffusé le 18 novembre dernier.



En supp', une rengaine de Roda-Gil et Mort Shuman chantée par Marc Robine


mardi 5 décembre 2017

En décembre, la bosse du commerce

Commerce équitable 1941


Hier soir, nous vous avons donc refourgué à vil prix
Job Lagadec                  T'as plein d'argent, t'es commerçant
Boris Vian                      Le petit commerce
Christine Sèvres            Dans les grands magasins
Jean Ferrat                    Prisunic
Adrienne Pauly              La fille du Prisunic
Les Matchboxxx            Fauché comme toi
Gilbert Bécaud              L'orange du marchand
Juliette                           Les petits métiers
Les Voleurs de poules   L'épicier
Bourvil                          Les crayons
Jacques Pills                 Marché rose
Georgius                       Monsieur Bébert
Expression D                Dealer pour survivre
Énigme
Java                              La boulangère
La Bolduc                     Oui, on en a des légumes
Danialou Sagbohan     Commerce triangulaire
Jacques Debronckart   Le klepto

On peut donc charger, écouter jusqu'à plus soif à cette adresse.
Le temps d'écoute sera autant de consacré à ne pas acheter quoi que ce soit.

Et on s'excuse auprès de Mme Bolduc qui vient bien de Gaspésie et pas d'ailleurs. Émotion, quand tu nous tiens !
En sus (merci François), le groupe Odeurs en rajoute sur les grandes surfaces. Et ça a plus de trente ans. Comme la musique l'indique.





vendredi 1 décembre 2017

Le rock n roll? Déjà une musique de vieux ruraux.

Après Colette, Paulette

On a dans ces "pages", cité pas mal cité de rades, cabarets, goguettes, bistroquets ou assommoirs dédiés à la musique.

Lorrains, Lorraines, nous rendons aujourd'hui un bref hommage au bar Chez Paulette à Pagney-derrière-Barine (54200).
Le côté savoureux est qu'à l'âge de 12 ans, Paulette Melat fut déclarée inapte à tout travail intellectuel en raison d'une "faiblesse générale" par un toubib. Ce qui l'enverra charrier des cageots et fûts au bar paternel. 
Ledit paternel décédant en 1969, elle hérite du bistrot et, épaulée par son mari, un jeune amateur de zizique, ouvre son bar aux concerts. 
Et c'est parti : Triangle, Martin Circus, Ange, Variations. Et puis après, Little Bob, Alex Chilton, Dr Feelgood, Parabellum, Sepultura (si!) les Wampas... On arrête là. Non sans préciser que le bluesman texan Calvin Russel portait un tatouage à l'effigie de la patronne sur le bras.
Gag final : en 2013 et à 90 berges, la Paulette est décorée "chevalier des arts et des lettres" pour "sa vie, son œuvre".
Le troquet, rebaptisé Paulette pub rock a été successivement repris par sa fille, Claudine, puis son petit-fils, Julien. Ce petit sujet, passé à la télé régionale en 1986, nous donne l'occasion de retrouver les Dogs, groupe mythe de Rouen.
Et, entre nous, 50 balles, c'était tout de même pas donné.


mardi 28 novembre 2017

Pétulante Colette Magny

L'ami Grobubar a attiré notre attention sur cette séquence de la Radio Télévision Suisse (Romande).
Les Helvètes confédérés étant réputés pour leur art du camouflage, admirez au passage l'art de planquer le microphone, au cours de cet entretien où notre blues-woman très énervée fait preuve d'une gentillesse et d'une modestie sans faille.
Pour le reste, même si en 1972 le couscous semblait encore exotique et qu'on prêtait encore attention à l'opinion du parti communiste, le fond du problème n'a guère changé. 

 

Les curieux pourront retrouver les archives de la RTS à cette adresse.
C'est parfois surprenant. 

samedi 25 novembre 2017

Décembre, tout s'achète et tout se vend


De Barcelone à Madrid (note d'espoir œcuménique empruntée au Moine Bleu).
C'est à son bon cœur qu'on reconnaît le petit commerçant.
Frank & Golo, Ballade pour un voyou.

Le commerce est, par son essence satanique. C'est le prêté-rendu, c'est le prêt avec le sous-entendu : Rends-moi plus que je ne te donne.
Baudelaire, Mon coeur mis à nu.

Le commerce est vieux comme le monde. Du jour où plusieurs individus vivent sous le même voisinage, il s'établit entre eux des échanges. Que l'on nomme cela d'une façon ou d'une autre, peu importe, le fait est là. Les sociétés primitives subirent cette loi, la société des camps de concentration n'y échappa point.

Christian Bernadac, Des jours sans fin (Mauthausen III).

Pas besoin de vous faire un dessin après un tel préambule. Le mois de décembre, son Père Noël, sa grande bouffe, ses illuminations nocturnes nous a semblé le moment idéal pour revenir sur une activité humaine à laquelle la modernité est allée jusqu'à accoler le paradoxe "d'équitable" en certaines occasions.
On vous vendra donc notre temps d'antenne le lundi 4 décembre à 17h30 sur les 92.2fm de Radio Canal Sud.

Pour patienter, un monsieur 100 000 volts très en verve, à l'Olympia en 1970, en compagnie du violoniste monsieur Pointu nous fait l'article de la vente absurde.


mercredi 22 novembre 2017

Henri tachan, humble emmerdeur


Photo de DR
Né en 1939 à Moulins, Henri Tachan passe, dans sa jeunesse d'un pensionnant catholique (il en gardera une rancune certaine) à un boulot de serveur dans un grand hôtel.
C'est à Québec, en 1962, qu'il se met à déclamer des poèmes Chez Clairette, en sortant du turbin.
Rentré en France et passé à la chanson, il ouvre pour Juliette Gréco et enregistre son premier disque en 1965 (prix de l'académie Charles Cros). Puis il fera des premières parties d'Isabelle Aubret, Félix Leclerc, Pierre Perret et même Brassens à Bobino (1972)
Le tout en restant parfaitement méprisé par les médias.
Et en sortant la bagatelle de seize albums entre 1965 et 2007, dont deux en concert et un en catalan.
Fustigeant les français alors dit "moyens", les curetons, les patriotes et l'hypocrisie ambiante, cet emmerdeur n'était pas dénué d'humour.
La preuve, ce 45 tour de 1967 qui colle à merveille avec le prochain sujet de L'Herbe Tendre :



Ayant également tâté de la chanson scabreuse ou tendre, ses textes ont été édités en quatre volumes par les Éditions du square, illustrés par les dessinateurs de l'ancien Charlie Hebdo (Cabu, Gébé, Reiser, Willem, Wolinski)
Le gars a fait ses Adieux à la scène en 2011.
Détails, précisions et curiosités se trouvent sur un site qui lui est dédié.
Un autre titre, java moqueuse d'octobre 1970, On est tous des putes, chantée à Besançon pour l'enregistrement d'un dvd.





dimanche 19 novembre 2017

Pia Colombo au cinéma


Outre avoir été le populaire de Peyrac de la série historico-érotico primitive, Angélique ou Rémy dans l'excellent Du rififi chez les hommes de Jules Dassin, Robert Hossein a réalisé 13 films, à peu près tous anecdotiques, entre 1955 et 1986.
Le film dont il est le plus fier, Le vampire de Düsseldorf, a, à notre goût, pas très bien vieilli. Mais ce fait-divers, tiré des crimes du tueur Peter Kurten dans l'Allemagne des années 30, s'il est assez laborieux (surtout en la comparant à M le Maudit ou à l'Oeuf du Serpent pour ne citer que ces deux là) nous donne l'occasion de découvrir une chanson.
Elle apparaît lorsque Kurten tombe amoureux d'Ana, chanteuse de bouge qui causera sa perte.
Et c'est Pia Colombo qui double Marie-France Pisier, compagne du réalisateur, dans la scène du cabaret dont on voit un extrait dans cette bande-annonce:


La chanson avait été écrite par André Hossein, père du réalisateur, l'orchestre d'André Lafosse accompagnait le tout.
On peut en écouter l'enregistrement original en cliquant à ce lien.
On reviendra sur la cas de Pia Colombo, chanteuse et actrice aujourd'hui relativement négligée.
En attendant, retrouvons-là dans Un soir de mai de Maurice Fanon, enregistrée en 1965 lors d'un rare passage à la télévision:


jeudi 16 novembre 2017

Casseurs et terroristes (3) Yiddishland

Des teigneux du FPO (1943)
Actuelle capitale de la Lituanie, Vilnius (anciennement Wilno ou Vilna selon qui en cause) était un grand centre intellectuel du judaïsme d'Europe centrale. Au point d'être surnommée "la Jérusalem de Lituanie". La communauté juive, d'environ 55 000 membres, y représentait plus de 28% de la population totale.
Pris au piège du souvenir d'une occupation allemande assez "correcte" lors de la première guerre mondiale et des pogroms menés par la soldatesque russe, une bonne partie des dizaines de milliers de juifs ne cherchèrent pas à passer en URSS lorsqu'il en était encore temps. Épaulés par une police supplétive, une population au mieux indifférente et l'aimable collaboration du groupe Nord de la Wechmacht, les sinistres Einsatzgruppen menèrent la liquidation des deux ghettos de la ville entre juillet 1941 et septembre 1943.

FPO à la libération de Vilnius (1944)

Mais cette région balte est restée également fameuse par le nombre de ses maquis, réfugiés dans les proches forêts dont certains étaient exclusivement formés de partisans juifs, hommes et femmes.
C'est d'un de ces maquis ou du ghetto que sortit le chant Zog nit kejnmol (Ne dis jamais, en yiddish זאג ניט קיין מאל ) qui deviendra l'hymne des résistants juifs de Pologne jusqu'en Ukraine. La mélodie vient du chant soviétique Ce ne sont pas des nuages mais l'orage (То не тучи — грозовые облака) écrit par Dimitri Prokrass en 1935.
Selon les sources, la paternité des paroles annonçant le soulèvement est généralement attribuée au partisan et poète Hirsch Glick et parfois à Shmerke Katsherginski, résistant également membre du FPO (Fareynikte Partizaner Organizatsye, Organisation Unifiée des Partisans) première organisation de guérilla juive montée à Vilnius en 1942, alliance de jeunes sionistes de gauche, bundistes ou communistes préfigurant les futurs détachements de partisans de Lakhva, Varsovie, etc.
D'un refus du fatalisme à l'affirmation Nous sommes (et serons donc toujours) là ! ce chant est devenu un classique du florilège antinazi qui a éclot dans toute une Europe sous la botte.

 
Traduction :
Ne dis jamais que c’est ton denier chemin
Malgré les cieux de plomb qui cachent le bleu du jour
Car sonnera pour nous l’heure tant attendue
Nos pas feront retentir ce cri : nous sommes là
Le soleil illuminera notre présent
Les nuits noires disparaîtront avec l’ennemi
Et si le soleil devait tarder à l’horizon
Ce chant se transmettra comme un appel
Ce chant n’a pas été écrit avec un crayon mais avec du sang
Ce n’est pas le chant d’un oiseau en liberté :
Un peuple entouré de murs qui s’écroulent
l’a chanté, nagan* à la main
Du vert pays des palmiers jusqu’au pays des neiges blanches
Nous arrivons avec nos souffrances et nos douleurs
Et là où est tombée la plus petite goutte de sang
Jaillira notre héroïsme et notre courage
C’est pourquoi ne dis jamais que c’est ton dernier chemin
Malgré les cieux de plomb qui cachent le bleu du jour
Car sonnera pour nous l’heure tant attendue
Nos pas feront retentir ce cri : nous sommes là

Une version contemporaine par le groupe Cartouche, pas les Belges, non, les keupons de la bande à Géraldine


* Le nagan(t) est un revolver russe calibre 7.62 mm.

lundi 13 novembre 2017

Adriano yaourte

Un petit clin d’œil à une bonne idée de rubrique d'un blog ami.
Au sein de la légion des chansons dont on ne comprend pas les paroles, un monument nous est venu d'Italie. Capable du meilleur comme du pire, l’inénarrable Adriano Celentano va jusqu'à revendiquer son charabia sur un 45 tour de fin 1972 au titre psychédélique : (on retient son souffle) Prisencolinensinainciusol. 
Point de prise de son ou de mixage pourri nous empêchant ici de comprendre le message, l'incompréhension EST le message. La chanson, est une ode au yaourt, un volapük destiné à se moquer des Italiens et autres latins qui s'essayent à la langue de Shakespeare et de Gene Vincent. 
L'auteur le confesse : "je pensais que je pourrais écrire une chanson qui n'aura que pour thème l'incapacité de communiquer. Pour ce faire, j'ai dû écrire une chanson où les paroles ne signifient rien".
Parti pour faire un beau bide dans son pays natal, le morceau cartonne en France et, auréolé de cette voisine popularité, il rejoint les hit parades transalpins dans les deux ans. 
Personnellement, il me revient une bande de gosses qui s'essayaient à la chanter et, malgré un bel enthousiasme, c'était pas bien beau à entendre.
Un mélange de deux passages du loustic à la RAI en 1974 :


vendredi 10 novembre 2017

Anthony Perkins

Où l'on constatera que l'acteur américain Anthony Perkins, immortel Norman Bates* de Psychose, (1932-1992) avait non seulement un joli timbre de crooner (il a enregistré plusieurs albums de standard de jazz) mais qu'il en usait avec bonheur pour chanter en français
Et que Gainsbourg est loin d'être le premier à avoir pillé la symphonie N°3 de Brahms.
Faut dire que cette chanson sentimentale, écrite par Françoise Sagan, était extraite du film Aimez-vous Brahms ? d'Anatole Litvak (1961) adaptation du roman de la même Sagan dans lequel on retrouvait le bel Anthony doublé en français par l'élégant Jean-Claude Brialy (en écoutant l'acteur, on s'étonne qu'il ait fallu lui donner une autre voix). La chanson du film était originellement interprétée par Diahann Caroll mais tant Yves Montand, jouant également un rôle dans le film, que Perkins l'enregistrèrent en français.
La bluette est extraite du EP quatre titres Anthony Perkins chante en français  (1962, Pathé-Marconi 45 EG 591)

 

* Rôle qui a autant fait pour sa renommée que bousillé sa carrière en le cantonnant dans ce genre de personnage. 

mardi 7 novembre 2017

Famille je vous chante (HT novembre)

Patriotisme ?
Notre petite tribu vous a donc proposé ce lundi 6 novembre

Les Malpolis                    Une famille d'amour
Négresses Vertes             Famille heureuse
Harry Fragson                 Les amis de monsieur
Fernandel                         Quelle famille !
Rue de la Muette              Ma mère traîne au café
Odette Laure                    Ça tourne pas rond dans ma p'tite tête
De chez l'Ogre                  Liens
Sacha Distel                     Scandale dans la famille
Nicole Louvier                  Philistins
Moustaki                          Maman, papa
Shuriken                          Lettre
Frères Jacques                 L'entrecôte
Chez là                             La famille
Robine & Pierron            Grand-mère gâtiau
F. Béranger                      Ma grand-mère
M. Morelli                        Chanson rhénane
113                                   Tonton du bled
Anne Sylvestre                 Famille pour famille
Noir Désir                        Ces gens là
Marcel & son orchestre   La famille Ingalls
Oxmo Puccino                  Mama lova
Keith Kouna                     Bonsoir shérif

Avec un gros merci à l'ami François pour la dernière.
Cette émission est à retrouver en cliquant à l'endroit habituel.
Le capitaine ACAB nous a par ailleurs communiqué quelques suppléments, dont un grand séducteur toulousain :



Et une chanson tragique d'Agnès Bhil illustrant l'aspect le plus noir de l'institution familiale.


samedi 4 novembre 2017

Extraballe. Ça aurait pu...




Imaginez un fier jeune homme, Jean-Robert Jovenet, qui, outre une ressemblance certaine avec Iggy, possédait le phrasé de Lou Reed et écrivait des textes ironiques et facile à retenir. Rajoutez que notre gaillard fit brièvement ses classes chez les Dogs, en 1975, puis monta Compartiment tueurs avec Jean-Louis Aubert et Richard Kolinka (ceux-là même qui..) traîna dans Asphalt Jungle, puis chez Gasoline.
Ou bien ce gars était le roi des insupportables, ou bien on peut lui attribuer la palme d'or de la déveine, parce que le groupe avec lequel il a finalement fait sa brève carrière Extraballe, est généralement parfaitement oublié, excepté de quelques résidus de l'époque. Trois albums sortis entre 1979 et 1981 dans une indifférence polie. À cause d'un nom à la con ? Et Téléphone, alors ? Ça a empêché les ci-dessus cités de faire carrière, peut-être ?
Non, fort représentatifs des scoumounards de leurs temps, les petits gars ont eu à subir des producteurs ineptes, des labels méprisants et une musique qui aurait pu cartonner mais était peut-être trop à la croisée du punk, new-wave, cold... Trop indéfinis. "Novö" claironnait un artificiel concept, à coup sûr conçu par des apprentis publicitaires.
Et pourtant, à réentendre ce Je travaille à la mine, on comprend pourquoi certains prolos chantonnaient ...à chacun son héroïne, d'un air narquois.
Ça a plutôt moins mal vieilli que bien d'autres.


 

À vrai dire, c'est surtout leur premier album qui restera un coup de maître. Et puis, malgré une poésie assez légère, peu osaient faire allusions à un des plus beaux crimes de l'aviation alliée lors de la deuxième guerre mondiale. Good night Dresden est sur le premier album de 1979. Guitare : Lolita Carabine (également Bulldozer), basse : Murray Ward et batterie : Michel Peyronel.
Peut-être était-ce un poil trop gonflé pour faire guincher en boîte. D'autres l'ont fait peu après avec un tube portant le nom d'un bombardier atomique. 


 
Une fois le groupe séparé, Jean-Robert Jovenet prendra divers pseudonymes et jouera un temps dans les Go-Go Pigalles. Il tournera en Irlande avec le batteur Fuzz Townshend pour un duo plus anecdotique : Interfaith.
Son décès, en 2011, lui a valu un paragraphe dans Rock & Folk.

mercredi 1 novembre 2017

Jazz macabre

Grand introducteur du jazz en France dans les années 1920, Ray Ventura fut, en compagnie de Loulou Gasté et Paul Misraki, le rigolo de service multipliant les chansons à sketches avec son orchestre, "Les collégiens".
Henri Salvador, Sacha Distel, Philippe Lemaire ou Jacques Hélian feront leurs premières armes au sein de ce big-band qui sévira jusqu'aux années 60.
Mais à l'occasion premier novembre, ressortons des tiroirs une adaptation de la Danse macabre de Camille Saint-Saëns (1874) originellement faite pour être accompagnée de paroles d'Henri Cazalis. Même cet air funèbre prend là une gueule joyeusement sautillante.  



samedi 28 octobre 2017

Gnawa Diffusion


Concernant les apports de la musique algérienne un peu plus au nord, il y eut, à la fin des années 60 puis 70, la vague des musiciens issus de l'immigration (Slimane Azem, Dahmane el Harrachi, Aït Menguellet, etc.) généralement restée confinée à la communauté concernée, à ceux qui y cultivaient des amitiés ou qui allaient mater des scopitones dans des bistrots plus ou moins kabyles. 
Dans les années 80, il y eut le succès de Carte de séjour et l'arrivée de  des cassettes de raï venues de l'autre côté de la mer. Ce raï qui fut recyclé par des producteurs ayant flairé le filon, remisé sous la stupide étiquette de world music pour donner naissance à une raya de nouveaux enrichis du show-biz de plus en plus gras et de moins en moins Chebs.
Et puis, parmi d'autres, en 1992, déboule un groupe qui mélange le châabi traditionnel, la musique gnaoua, le raï, le reggae, le rock, le hip hop, Gnawa Diffusion, basé à Grenoble et mené par le fils à papa Amazigh (Homme libre en tamazight) Kateb, enfant de l'écrivain Kateb Yacine. 
Amazigh chante en français, en arabe ou en anglais, la vie du quartier, l'africanisme, le deuil et l'exil et des critiques acerbes contre les forces de l'ordre d'ici ou de là-bas et un ordre mondial à gerber. Le tout avec un goût prononcé par les calembours en plusieurs langues ou d'élégants poèmes d'amour.


Comme il le dit lui-même Ce n'est que vers l'âge de 15 ans, en débarquant en France, que j'ai découvert les Gnawas*, les Aissaouas**, et que je me suis intéressé aux particularités, à l'Algérie, à l'histoire du Maghreb et à celle de l'esclavage. D'ailleurs, Gnawa Diffusion, c'était une petite réaction à l'exil, une volonté de me faire ma petite Algérie.

Leur album Algeria, de 1997 les fera remarquer par un premier tube d'un orientalisme goguenard, pas forcément représentatif de leur travail de  raggnawachaâbirock (sic).
Ouvrez les stores ( de l'album Bab el Oued - Kingston 1999) en pleine époque où l'État algérien avait ouvert les portes de l'enfer et où le commun des mortels ne savait pas forcément s'il se faisait égorger par des djihadistes déguisés en militaires ou des militaires déguisés en terroristes.



En 2001, en pleine révolte kabyle des arouchs, ils partent tourner là-bas.
Métropole est extrait de Souk System (2003) marqué par le désastre qu'est l'invasion de l'Irak et ce champs de ruine qu'est l'Algérie.

 

Puis le groupe se sépare de 2007 à 2012. Amazigh Kateb sortira un album solo, Marchez Noir.
Avec un personnel rénové, ils sortent Shock El Hal en 2012 en hommage aux révolutions arabes.

* Aussi appelés les "Maures Noirs", descendants d'esclaves d'Afrique du Nord. Leur musique particulière, à base de transe et possession attire l'attention des musiciens de rock dès la fin des années 1960.   
** Confrérie paysanne marocaine ou algérienne utilisant également une musique de transe dans ses rituels.

mercredi 25 octobre 2017

Novembre familial

Joies de la vie de famille par Ken Loach (1971)

La plus ancienne de toutes les sociétés, et la seule naturelle, est celle de la famille. Jean-Jacques Rousseau, Le contrat social

 La première opposition de classe qui se manifeste dans l'histoire coïncide avec le développement de l'antagonisme entre l'homme et la femme dans le mariage conjugal, et la première oppression de classe, avec l'oppression du sexe féminin par le sexe masculin. Friedrich Engels, L'Origine de la famille, de la propriété privée et de l'État

Réalisation du règne de la bourgeoisie, magnifiée par l'État français, lieu des ultimes solidarités ou des déchirements les plus mesquins, des névroses ou de l'épanouissement originel, essence et fond de commerce de la psychologie, de la société marchande, la famille fut, ces dernières décennies, qualifiée de nucléaire, d'éclatée ou de recomposée. Aujourd'hui, elle est revendiquée par des intérêts antagonistes comme dernier refuge. 
Si elle fut sujet d'inspiration d'une bonne part de la littérature ou du cinéma, la chanson ne pouvait rester indifférente à cette institution que la plupart des individus ont eu la chance ou le malheur de fréquenter.

L'Herbe Tendre s'attaquera donc à ce puits sans fond le lundi 6 octobre à 17h30 sur les 92.2 de Radio Canal Sud

Et pour ouvrir le bal, une évidence par un chanteur tendre 

dimanche 22 octobre 2017

Guidoni : un tribut à Allain Leprest


Contrairement aux habituels hommages posthumes, les Album "Chez Leprest" volumes 1 et 2, en hommages au déprimé de Normandie, sont sortis en 2007 et 2009, donc bien avant son suicide d'août 2011.
Comme tout exercice fourre-tout, on y trouve à boire et à manger. 
Mais on avoue un faible pour ce J'ai peur qui colle à merveille à cet autre angoissé qu'est Jean Guidoni. 


jeudi 19 octobre 2017

Renée Lebas, découvreuse


Renée Lebas (1917-2009) est née Leiba, fille d'immigrants juifs roumains installés à Paris. Un de ses copains d'enfance et du quartier sera Nathan Korb, qui sera plus connu sous le pseudo de Francis Lemarque.
Après avoir exercé divers boulots, elle gagne un radio crochet en 1937. Elle est donc engagée au cabaret La Conga et enregistre son premier disque avec  Raymond Asso en 1940.
Évidemment interdite de scène sous l'occupation, elle se produit alors à Cannes, accompagnée du pianiste Michel Emer où elle crée Insensiblement de Paul Misraki.


En juillet 1942, sa sœur et son père raflés par la police, puis déportés, elle s'exile en Suisse sous les conseils pressants de son copain Francis Carco et va passer le restant de la guerre à chanter pour la radio. Ses chansons sont de claires allusions à la situation de la guerre : D'l'autre côté de la rue, Exil, La fontaine de Varsovie, ou Harlem :


À la libération, elle tourne à l'Européen, l'Alhambra, l'Étoile, l'ABC, Bobino...
Elle crée La Mer de Charles Trenet en 1946 et est une des premières à enregistrer du Léo Ferré, en 1948 (Elle tourne... la Terre, Paris canaille...). Elle chantera Charles Aznavour, Jacques Brel, Francis Carco, Francis Lemarque, Boris Vian...
N'ayant récolté qu'un succès d'estime, elle fait ses adieux à la scène en 1963 pour se consacrer à la production de chanteurs de variétés comme Serge Lama, Régine ou Tereza Kesovija.
Et meurt en 2009.

 

Et une pensée à la mémoire de Madame DD.

mardi 17 octobre 2017

Picardie fleurie


Malgré l'illustration ci-dessus, fusillons une légende.
Cette chanson britannique de 1916 n'a jamais été écrite par un officier de sa gracieuse majesté tombé amoureux d'une belle Picarde. L'auteur, Frederic Weatherly était un petit avocat du sud de l'Angleterre qui a passé la guerre à se faufiler entre tavernes et plaidoiries. Parmi d'autres perles, le débarbot poète a aussi écrit "Danny boy" qu'on avait jusqu'alors toujours cru faire partie du patrimoine irlandais.
Le succès de la rengaine fut néanmoins tel que dès 1918, Pierre d'Amor en fit une adaptation en français.
Elle a donc été reprise par, entre autres, Tino Rossi, Jack Lantier, Sydney Béchet, Ray Ventura, André Dassary, Frank Sinatra et bien entendu Yves Montand.
En voici une fort ancienne version de John Mc Cormack.


Et puis, hasard de la renommée, la bluette d'entre-deux guerre va connaître une seconde jeunesse dans les années 1980, grâce au succès du film de Jean Becker, L'été meurtrier. Dans cette chouette adaptation du roman de Sébastien Japrisot, Les roses de Picardie reviennent en refrain sur le piano électrique maudit, celui qui reste lié au crime originel... Pour mémoire :


Pour finir, une surprenante interprétation française par Mado Robin, à ranger impitoyablement à la rubrique "pompiers". Ce qui nous ramène d'ailleurs au film précédent...


samedi 14 octobre 2017

Raoul Petite a mal



Voilà plus de  ans que la bande à "Carton" (Christian Picard, chanteur principal) écume les routes. S'étant d'abord fait connaître en ouvrant pour Vassiliu ou Higelin, ce big-band de barock 'n roll est né sous le signe des adorateurs de Frank Zappa. À la fin des années 70, le moustachu aurait marmonné "Raoul Petite" lors d'une très brève apparition à la télévision française avec, en guise de spectateurs, les membres d'un groupe qui cherchaient un nom et étaient infoutus de comprendre l'anglais.
Certes, ils ont onze albums à leur actif mais leur "rock agricole sophistiqué" est avant tout à savourer en concert, les mises en scène loufoques n'engendrant pas la mélancolie.
On vous épargne la fastidieuse liste des membres et changements de personnel, sachez juste que c'est trouvable sur leur site et qu'un des historiques, Frédéric Tillard (guitariste) est allé fonder le groupe Fritzkartofel en amenant le tromboniste Fabien Cartalade.
Leur manifeste :  “C’est en évitant de mettre la tête dans son kulte que l’on continue le chemin sans rien perdre de son intégrité ni de son panache”
Comme ces joyeux bougres et bougresses du Vaucluse aiment à faire des vidéos, on vous les exhibe dans Ça fait mal, honorable effort pour squatter les radio.

mercredi 11 octobre 2017

Catalunya über alles !





Comme le gouvernement espagnol va éventuellement se retrouver à devoir occuper militairement une partie... de l'Espagne (sic !) on peut consulter ces jours-ci quelques textes instructifs. Par exemple ces deux-là, l'un de Tomás Ibáñez, et, mieux encore, l'autre de Miguel Amoros.
Par ailleurs, on s'est permis de traduire ce billet d'humeur, signé Acratausorio rex, qui malgré une conclusion décevante renferme quelques vérités de base.  


Question d’identités

Avec toute cette histoire d’indépendance de la Catalogne, un sujet attire particulièrement mon attention : qu’on m’explique qu’il s’agit là d’indépendantisme et en aucun cas de nationalisme. Autrement dit, on sort des milliers de drapeaux, la carte d’une patrie, une langue, une histoire, on revendique d’avoir un État à soi, participent à cela aussi bien des millionnaires que des prolétaires, l’Espagne et les Espagnols font face à la Catalogne et aux Catalans, la langue définit un territoire mais… surtout pas question de nationalisme parce que ce simple mot pue les champs de batailles et les millions de morts. Voilà bien pourquoi on parle de nationalisme avec dégoût, seul le PNV (Parti Nationaliste Basque ndt) persiste à employer le mot parce qu’il n’a pas encore découvert comment changer de nom.

Comment fonctionne le nationalisme ? En partie en se dotant d’une identité. L’identité individuelle est ce que l’on est. Un truc terriblement complexe. Découvrir ce que l’on est vraiment n’a rien de simple… Qui es-tu? Un sociologue aurait besoin de cent mille entretiens pour donner une réponse. Hein ? Et en plus, s’il se gourre ? Imaginez donc, partant de là, la complexité de découvrir ce que nous sommes, notre identité collective. Heureusement que l’État est là pour te l’accorder. Et que petit à petit se construise une identité.


Toute politique identitaire d’état tâche d’identifier des coutumes communes et comme la populace est tellement éclectique au niveau culturel, au niveau économique, au niveau du cadre de vie géographique… Ici, en Espagne, ce qui définit la culture commune est la langue. Qu’on l’appelle castillan ou espagnol.

L’autre aspect de politique identitaire fourni par l’État est le pouvoir d’identification : pouvoir identifier les autres et les doter de caractéristiques différentes des siennes. Pour qu’il puisse exister un « nous-autres », il faut que « eux, les autres » existent. Plus les autres sont identifiables, plus nous-autres sommes renforcés. Et vice-versa.




Par exemple, ce refrain « l’Espagne nous dépouille » qui amène à penser qu’il n’y a là aucune profonde réflexion au sujet de la création de la redistribution de richesses. Ça donne juste que les voisins qui se considèrent encore Espagnols se croient entendre traiter de voleurs. Et ça les énerve un peu plus à chaque fois qu’ils voient un Catalan, à la télévision ou ailleurs, avec son drapeau, sa langue et ses autoroutes à péages. Et ça les met en rogne et ça finit en commentaires méprisants. Commentaires qui, s’ils parviennent aux oreilles d’un Catalan, ne font que renforcer son catalanisme. Et si tu mènes une politique d’immersion linguistique en catalan, tant dans l’administration qu’à l’école, tu pourras bien dire ce que tu voudras, ceux qui se sentent Espagnols vont se trouver attaqués. Et lorsque le PP est arrivé à bousiller le Statut de 2010 ? Et bien, la même chose mais à l’inverse.

Et tout ça n’est pas fait innocemment. C’est même parfaitement calculé, car plus les gens s’identifient à une nation et plus une nation à un État, plus une population dominée par son gouvernement se retrouve à l’unisson. Tout comme l’esclave pouvait s’identifier au propriétaire de l’hacienda.

En Catalogne beaucoup de gens s’excitent au sujet de l’armée d’occupation. Mais en dehors de la Catalogne… Chers amis et amies Catalans, la gauche espagnole est unioniste et la population aussi. Les Espagnols sont loin d’être cette caricature de fascistes à petite moustache et calvitie que vous représentez systématiquement, pas plus qu’ils ne sont les quatre pelés néo-nazis. Ils applaudiront avec une profonde indifférence ce que le gouvernement fera contre la Catalogne, aussi despotique cela puisse-t-il être. C’est là tout le charme de la politique identitaire : plus elle cogne, plus elle renforce son adversaire. Et ça ni le Gobierno, ni le Govern ne l’ignorent car ils sont tout sauf innocents ou idiots… et ils jouent le jeu de leurs propres intérêts. Et en guise de repas, ils vont se goinfrer, en vous préparant à tous une orgie nationaliste. Et le plat de résistance, c’est vous tous et toutes. 

Les Mossos d'esquadra, héros (si!) de l'indépendance
L’unique réponse à la perte de liberté, à l’occupation militaire, au despotisme ne réside, en l’occurrence, ni dans le peuple, ni dans les nationalismes, ni au Govern, ni au gouvernement. La seule opposition, le seule réponse à la hauteur des circonstances réside dans le mouvement ouvrier. Et part d’un simple fait : les intérêts du travailleur ne sont pas nationaux. Pour poser la question des salaires, du poste de travail, du chômage, de ses conditions de vie sur la table, il faut qu’il existe des motifs autrement plus puissants. 

lundi 9 octobre 2017

Mort d'un rocker moustachu

Notre disparu du jour à la télévision le 7 février 1981.
Finalement, au vu des présents, c'est encore lui qui a le moins mal vieilli


On peut le retrouver avec Jean-Pierre Marielle, autre belle moustache, chantant du Caussimon à cet article.

vendredi 6 octobre 2017

Du rock dans le bayou

Osons une affirmation : si le rock n' roll vient sans conteste du blues, du rhythm 'n blues, plus précisément, depuis la mise à disposition des enregistrements des Lomax, père et fils, on sait que la musique populaire du sud des États-Unis qui a abouti à tout ça a marié des influences tant autochtones (la rythmique) que celtiques, germaniques (l'accordéon, le saxophone), africaines et bien entendu ce creuset que fut la musique cadienne ou cajun. D'aucun affirmeront péremptoirement que le cajun, qui dérivé en country and western, était l'apanage des Blancs là où le zydeco (ou zarico) celui des Noirs.
Comme toujours, les pauvres se fréquentant malgré tout ce qui entend les séparer, on rappellera que ce genre de classification est bien trop hâtive, les musiciens franchissant allégrement les genres et se mélangeant ou se pillant dès qu'ils en ont l'occasion. Et encore heureux. Et ceci est encore plus vrai dans ces contrées de bayou où de révoltes indiennes alliées aux esclaves marrons, d'ex français réfugiés au plus profond des marais, de cette ville de la musique, la Nouvelle Orléans, tour à tour espagnole, française américaine, chacun est allé faire sien la musique de "l'autre".
Il semble qu'une des chansons emblématiques du rock / rhythm and blues, Keep a knockin', issue des années 20, popularisée par Louis Jordan en 1939...

 

... immortalisée par Little Richard, l'autre King, la première grande folle du rock, celui qui rendait la vue aux aveugles, en 1957, en transformant ce blues en rock 'n roll (avec cette intro de batterie repompée dans Somethin' else et une ribambelle de morceaux) que tout le monde reprend depuis.



Il semble donc, disais-je, que cet éternel boogie soit issue d'un traditionnel cajun tout simplement nommé Tu peux cogner mais tu peux pas rentrer. On a beau fouiner, pas moyen de trouver un enregistrement suffisamment ancien pour venir confirmer cette thèse. Notre plaisir consistera donc à envoyer un autre maître du style, mister Clifton Chénier, en personne, qui illustre ici les racines de la musique du diable.