dimanche 26 février 2017

Desnos par Aragon (hélas !)

En ce qui concerne le titre, nous ne faisons ici que paraphraser André Gide à qui l'on demandait qui était, à son avis, le plus grand poète de langue française et répondait "Victor Hugo, hélas !"

19 rue Mazarine

Comme nous l'avions évoqué ailleurs, Robert Desnos qui s'était attiré la haine particulière du critique Alain Lambreaux, fut arrêté (peut-être sur dénonciation du cafard précité) par la Gestapo le 22 février 1944.
Membre du réseau de résistance "Agir", Desnos transmettait des renseignements sur les troupes d'occupation aux alliés, fabriquait des faux papiers et publiait aux Éditions de Minuit, alors clandestines.
Mais son manque de discrétion en public, la publication de certains textes, vont provoquer sa chute, ce qu'il aurait reconnu dans une conversation rapportée par son camarade de déportation André Bessière : "J'ai trop déblatéré sur les Allemands, sur les collabos, sur le gouvernement de Vichy, sur les idolâtres du Maréchal et j'ai même tapé sur la gueule d'un baveux... un journaliste bien connu, grand cireur de pompes des boches".
Loin de se planquer, Desnos avait, avant tout, cherché à protéger sa compagne Youki (Lucie Badoud).
Youki et Robert
  Exemple des textes peu précautionneux de Desnos, le Maréchal Ducono :
Maréchal Ducono se page avec méfiance,
Il rêve à la rebiffe et il crie au charron
Car il se sent déja loquedu et marron
Pour avoir arnaqué le populo de France.

S’il peut en écraser, s’étant rempli la panse,
En tant que maréchal à maousse ration,
Peut-il être à la bonne, ayant dans le croupion
Le pronostic des fumerons perdant patience ?

À la péter les vieux et les mignards calenchent,
Les durs bossent à cran et se brossent le manche:
Maréchal Ducono continue à pioncer.

C’est tarte, je t’écoute, à quatre-vingt-six berges,
De se savoir vomi comme fiotte et faux derge
Mais tant pis pour son fade, il aurait dû clamser

Après avoir passé plus d'un mois au camp de triage de Compiègne, Desnos fera partie du convoi du 27 avril pour Auschwitz. Brinquebalé, comme des milliers d'autres, à Buchenwald, Flossenbürg, Flöha pour finir, épuisé par mourir du typhus à Terezin, en Tchécoslovaquie, quelques jours après sa libération.
Nous éviterons de déposer ici un cliché qui tourne sur internet dans lequel le poète apparaît agonisant et à bout de force au camp de Theresienstadt.
C'est donc, hélas, Aragon, "patriote professionnel"* non dénué de talent, qui écrivit "Robert le Diable", émouvant hommage à Desnos en septembre 1945.
Ce poème fut mit en musique par Jean Ferrat en 1971 sur le disque Ferrat chante Aragon.

 

* Selon les mots de l'excellent et teigneux Jean Malaquais. L'ouvrage, " Le nommé Aragon, un patriote professionnel" édité chez Spartacus est ressorti chez Syllepse.

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